vendredi 18 juin 2010

SCHEMA DE FONCTIONNEMENT DE LA RELATION D'EMPRISE

L’emprise c’est l’action de prendre, saisir.

Avoir l’emprise sur quelqu’un c’est, dans le langage courant, avoir de l’influence, de l’ascendance sur quelqu’un en le dominant moralement, intellectuellement et spirituellement.


Il y a dans toute relation, comme dans la relation de couple, par exemple, un peu d’emprise normale, fonctionnelle qui est nécessaire pour séduire, influencer, posséder, pour sentir son conjoint proche et aimant. Mais attachement ne signifie pas asservissement.




La relation d’emprise devient pathologique quand celle-ci devient le mode de relation exclusif et récurant de personnalités particulières qui seront décrites ci-dessous. Ces personnalités ne respectent plus le libre-arbitre de l'autre, son altérité, son désir. Sa liberté de choix ne lui appartient plus. L'autre doit se conformer, se soumettre, obéir et subi une véritable violence psychologique.

Cette emprise pathologique peut s’exercer au travers des dérives sectaires par des abus spirituels, mais aussi dans les entreprises par le harcèlement moral, les institutions, les familles, les couples par la maltraitance, la violence psychologique, l’inceste, l’abus sexuel...




C’est un abus de pouvoir. Il y a l’agresseur et la victime dans la relation d’emprise :



L'EXPLICATION DE LA PSYCHANALYSE permet de mieux comprendre ce qu'est la relation d'emprise, et quelles sont les personnalités qui fonctionnent dans ce schéma.




LA PULSION D’EMPRISE


Tout d'abord essayons de comprendre le concept de pulsion qui est la base de la théorie de Freud.


Le fonctionnement de l’appareil psychique dépend de la circulation d’une énergie psychique : la pulsion sexuelle qui est la poussée qui fait tendre l’organisme vers un but.


Toute pulsion se définit par :


_sa source qui provient de l'inconscient, lequel peut être considéré comme le réservoir de l’énergie psychique de la personne, sa poussée, qui développe une tension, une excitation psychique


_son but qui entraîne la décharge de l’état de tension par l’écoulement de l’énergie pulsionnelle, et


_son objet au travers duquel ou grâce auquel le but peut être atteint. Il est utilisé comme moyen de satisfaction


Il peut y avoir abandon du but sexuel de la pulsion par le processus de la sublimation (dit de désexualisassions) afin que les racines pulsionnelles se tendent par exemple vers l’appétit de connaissance intellectuelle, l’imagination créatrice…


La pulsion d’emprise peut être définie comme la force qui intervient dans l’instant où l’un va vers l’autre pour créer un lien. Il permet dans un premier temps d’attirer à soi l’attention de l’autre, puis de l’assujettir.


La pulsion d’emprise s’établit donc par la relation entre deux ou plusieurs personnes. La relation - - est définie comme le « rapport qui lie des personnes entre elles » et désigne en particulier un "lien de dépendance, d’interdépendance ou d’influence réciproque ".



Ici cette relation est assymétrique, car le but visé est de dominer l’objet par la force. C’est une conduite agressive qui a pour effet de nuire à autrui: le contraindre, l'humilier, le faire souffrir, l'attaquer, se mettre en colère, en rage....jusqu'à l'ultime destruction.. C’est conquérir par la force, la domination, le contrôle, la possession.



Schéma de fonctionnement

Selon la psychanalyse, l’emprise apparaît comme une fixation au stade anal du développement affectif.



Le développement des pulsions passe par différents paliers successifs qui sont appelés:


_stade oral


_stade anal


_stade phallique et la triangulation de la relation


_le complexe d'oedipe


_le stade génital



Ces paliers sont responsables de fixations, à valeur constructive, mais aussi défensive (régression). Le développement de la maturation biologique est couplé à la maturation des processus cognitifs en interaction constante avec son environnement.
L’énergie psychique pulsionnelle peut se fixer à des endroits préférentiels des différents stades (objets externes, zones corporelles, représentations mentales) qui servent de point d’encrage, d’assise pour les constructions supérieurs et aussi de position défensive, de repli lorsque le fonctionnement normal est entravé dans son développement. Cela permet de se construire un schéma de fonctionnement qui restera à tout jamais inconscient pour l'individu, s'il ne fait pas un travail sur lui-même.



Au stade anal l’enfant apprend à maîtriser, contrôler, conserver dans le sens de possession.



Vers 18 mois, l’enfant fait l’acquisition du NON. C’est le stade anal ou sadique anal. Il y a un processus d’abstraction et de symbolisation, ce qui permet d'étendre les capacités de maîtrise de l’enfant par le biais de la transformation d’une situation subie passivement en une situation infligée activement à autrui.

Il prend conscience de son pouvoir de se plier aux demandes ou de s’y opposer. Il peut aussi renverser sa passivité en activité et retourner sa souffrance subie en plaisir de la souffrance infligée à autrui


Dans le stade anal il y a deux phases : la phase sadique anale où il y a expulsion intempestive et agressive afin de détruire, et la phase masochiste anale retentive qui correspond à la recherche active d’un plaisir passif lié à la rétention des matières fécales, mais aussi à un plaisir sadique






Le contenu de la relation d’emprise comprend pour DOREY ( "La relation d'emprise" 1981 )


_une action d’appropriation par dépossession de l’autre par empiètement sur son domaine privé,


_une action de domination où l’autre est maintenu dans un état de soumission et de dépendance,

_une empreinte sur l’autre, qui est marqué physiquement et psychiquement portant atteinte à sa liberté d'être et de désir. Il est nié en tant que sujet et l’idée même de son désir est intolérable. Son libre –arbitre lui est refusé.





Pour arriver à cela, ces personnalités utilisent, comme tout un chacun la séduction dans un premier temps, par éloges puis par disqualifications un contrôle permanent et des intrusions répétées qui brisent les limites de son espace personnel et violent son intimité






Dorey définit le désir d’emprise comme « tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d’autrui » et il distingue :


d’une part, l’emprise obsessionnelle, qui vise à annuler l’autre en tant que sujet, le détruire, l’anéantir, le traiter comme une chose contrôlable, manipulable, disposer de lui, passer du pouvoir à la possession jusqu’à ce qu’il soit totalement dessaisi de lui-même et figé dans une position de servitude complète ;


d’autre part, l’emprise perverse qui, plutôt située du côté de la séduction, cherche à dévoyer l’autre, l’utiliser sans son contentement, cherche la fusion, entretient la confusion et refuse la séparation.




HIRIGOYEN ajoute les personnalités paranoïaques. La paranoïa allie en proportion variable un caractère psychorigide à des interprétations plus ou moins délirantes à base de persécution.


Par extension, la position paranoïaque est l’expression d’une relation d’emprise plus ou moins dominante et tyrannique sur l’objet du désir.


L’emprise apparaît donc chez des personnalités ayant des fixations au stade sadique-anal du développement de la personne selon la psychanalyse. Ces personnalités peuvent avoir une structure paranoïaque, obsessionnelle et perverse. Cette perversité peut se rencontrer dans l’organisation des états limites avec les aménagements caractériels tels que les perversions de caractère, plus généralement appelées perversion narcissique, ou il n’y pas déni du sexe, mais déni de l’altérité, du narcissisme de l’autre.

On s’aperçoit donc que certains traits de caractères apparaissent dans les mécanismes de l'emprise qui violente l'intimité, l'espace sacré de la personne. Les individus violents ne sont pas des « malades mentaux » mais des individus « normaux » pleinement responsables de leurs actes.


C'est une atteinte portée à l'estime de soi, l'intégrité psychique ou mentale de la victime afin d'exercer le contrôle pour le POUVOIR ABSOLU.
Il y a un sentiment de TOUTE PUISSANCE chez une personnalité très égocentrique.


Dans la pulsion d’emprise, le pervers choisira comme victime, ou complice, une personnalité dans la pulsion d’attachement. Cette « pulsion d’attachement lie le sujet à un objet dans une relation de dépendance passive et dans la recherche d’un amour primaire jamais obtenu » - E. Dietrich


Au delà des relations de couples (notamment avec le pervers narcissique), de travail ( le harcèlement moral), on retrouvera cette emprise perverse par exemple dans le discours "du gourou » qui stigmatise chez l’autre un désir d’identification par mimétisme. Ce discours peut être celui-ci : "tu es à mon image, mais pour arriver à l’excellence tu dois m’écouter et boire mes paroles car je suis le maître et tu es mon disciple. "

Les personnalités qui utilisent l’emprise le font pour avoir le pouvoir sur l’autre, le contrôler et le manipuler. Il y a négation de sa différence, de sa singularité, de son désir.


C'est ôter à l'autre son statut de sujet libre de penser et de désirer.